L'aïkido et l'enfant

Les enfants ne sont pas des adultes miniatures mais des êtres en devenir.

Après avoir découvert, exploré et intégré les divers aspects de leur cellule familiale, ils ont besoin pour grandir harmonieusement, de trouver leurs repères dans le monde qui les entoure et de s’évaluer les uns par rapport aux autres. Pour prendre pleinement conscience de leurs qualités physiques, ils se « testent » entre eux, ce qui dégénère le plus souvent en affrontements physiques, à l’issue desquels le plus fort se sentira « bien dans sa peau », et le plus faible doutera de lui-même.

Les princes charmants des contes de fées ont pris de l’âge et ne servent souvent plus de référence car ils ne correspondent plus aux super-héros, modèles prônés par la télévision et les jeux vidéo. Parmi les activités de loisirs qui peuvent être proposées aux jeunes de tous âges, les sports de combat recueillent beaucoup de suffrages. La pratique d’un art martial les aidera, espèrent-ils, à devenir aussi puissants et invulnérables que leurs idoles.

L’aïkido, tout en mettant en place et en développant des qualités martiales telles que le courage, l’endurance, la persévérance et la maîtrise du corps, offre aux enfants une autre alternative : apprendre des techniques efficaces et leur redonner le sens de valeurs essentielles aux rapports humains, comme le respect d’autrui, la civilité et la tolérance. En aïkido, le respect des règles établies se retrouve dans la pratique de l’étiquette : il faut ranger ses sandales correctement, saluer debout, puis monter individuellement sur le tatami. C’est l’expression du respect de chaque élève-pratiquant, quel que soit son âge, pour ce lieu particulier qu’est un dojo (éducation qui peut d’ailleurs être poursuivie en décrétant la maison « lieu de vie spécial », et en leur faisant ranger leurs affaires personnelles, par respect envers leurs parents et envers eux-mêmes).

Le cours proprement dit commence par un salut collectif, mais avant tout par une posture correcte à genoux, à la japonaise (seiza). Il faut se tenir droit, et cette position de corps amène tout naturellement attention et concentration. Un élève affalé fera difficilement preuve d’écoute ou d’observation active sur le tatami, à la maison ou à l’école. Sur le plan organique, une posture droite correcte, sans tension, allège les estomacs trop lourds ou contractés et aide à mieux respirer. Quant au salut, il est déjà en lui-même un exercice de corps difficile : pour pouvoir saluer de manière correcte, il faut « retrouver ses marques » au millimètre près et le seul entraînement possible est la répétition des mêmes mouvements.

De même, pour acquérir une efficacité dans la réalisation des techniques, il faudra passer par la répétition et l’acquisition de la souplesse des articulations ; ainsi les enfants doivent apprendre à devenir ou à rester patients. Par ce salut, l’élève se concentre et marque de manière physique son engagement à être attentif et respectueux des techniques qu’il va apprendre, ainsi que des autres enfants et de son professeur.

La spécificité de l’aïkido par rapport aux autres arts martiaux est l’absence de compétition. Au lieu d’évaluer la force de l’adversaire (et de craindre la défaite) ou la faiblesse de son attaquant (et de s’en réjouir), l’élève se concentre sur son propre travail et son point de référence devient lui-même. Beaucoup d’émotions négatives comme l’humiliation, s’il sort vaincu d’un combat ou l’inquiétude de ne pas être à la hauteur, cessent de l’encombrer et il se montre disponible et réceptif à ce qui lui est enseigné.

La peur de l’échec, qui se développe dès l’enfance, ne s’imprimera pas en lui. Au contraire, la pratique de l’aïkido lui donnera progressivement confiance en ses capacités.

Sur le tatami, enfants expérimentés et débutants travaillent ensemble et petit à petit, ils développent de la tolérance et de la compréhension dans leurs rapports martiaux. Les filles apprennent que même si elles sont moins fortes que les garçons, elles peuvent quand même les faire chuter, et les garçons admettent petit à petit que les filles peuvent aussi être dignes d’intérêt sur le plan martial. Cet état d’esprit aura des répercussions positives dans leurs rapports à l’école, au collège ou à la maison où ils se sentiront moins en rivalité avec les autres.
Auteur : A. Scardamaglia, uchi deshi d’Alain Peyrache Shihan